Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/32

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folies de l’amour ! Après l’éclat d’un enlèvement qui fit un épouvantable scandale, dans la société réglée, morale, religieuse, même un peu janséniste, et qui n’a pas, du reste, beaucoup changé depuis ce temps-là, les tuteurs de mademoiselle d’Olonde, laquelle était orpheline, n’hésitèrent plus. Ils consentirent à son mariage avec le baron de Ferjol, qui l’emmena dans les Cévennes, son pays natal.

Malheureusement, le baron mourut jeune. Il laissa sa femme au fond de cet entonnoir de montagnes, qu’il avait agrandi de sa présence et de son amour et dont les parois, se resserrant autour d’elle, jetèrent sur son cœur en deuil comme un voile noir de plus… Elle resta pourtant courageusement dans cet abîme. Elle n’essaya point de remonter la pente escarpée de ces étouffantes montagnes pour retrouver un peu de ciel sur la tête, quand elle n’en avait plus dans le cœur. Malheureuse, elle se tapit dans son gouffre, comme dans la douleur de son veuvage. Un moment, elle pensa, il est vrai, à retourner en Normandie, mais l’idée de son enlèvement et du mépris