Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mademoiselle Jacqueline d’Olonde, en dansant avec elle, dans les meilleures maisons de Saint-Sauveur, petite ville de noblesse et de haute bourgeoisie, où l’on dansait beaucoup alors. Il était, disait-elle, très beau, ce baron de Ferjol, dans son uniforme blanc, à collet et à parement bleu céleste. Blond, d’ailleurs, et les femmes prétendent que le bleu est le fard des blonds. Ma grand’mère ne s’étonnait donc pas que M. de Ferjol eût tourné la tête à mademoiselle d’Olonde, et, de fait, il la lui avait tournée et si bien, qu’un jour, elle s’était fait enlever par lui, cette fille qu’on disait si fière ! Dans ce temps-là, il y avait encore des enlèvements dans le monde, avec la poésie de la chaise de poste, et la dignité du danger et des coups de pistolet aux portières. À présent, les amoureux ne s’enlèvent plus. Ils s’en vont prosaïquement ensemble, dans un confortable wagon de chemin de fer, et ils reviennent, après « le petit badinage consommé », comme dit Beaumarchais, aussi bêtement qu’ils étaient partis, et quelquefois beaucoup plus… C’est ainsi que nos plates mœurs modernes ont supprimé les plus belles et les plus charmantes