Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/75

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dans la chaire d’une de ses églises, ou passer, le matin, dans ses rues, cet extraordinaire capucin, qui ne pouvait passer nulle part sans attirer le regard et sans le fixer, tant il était majestueux et hautain dans sa robe rapiécée ! tant il était digne d’inspirer le mot qu’un grand poète moderne a dit d’un autre capucin : « Il semblait l’Empereur même de la Pauvreté ! » Sans doute, il s’en était allé dans des pays assez éloignés pour qu’on n’entendît plus jamais parler de lui, qui pourtant devait laisser partout un souvenir profond de son passage et qui paraissait même bien capable, avec la mine qu’il avait, d’en laisser un dévastateur !

En avait-il laissé un pareil quelque part ?… Il était jeune d’apparence, mais il y a des âmes terriblement vieilles dans des êtres qui semblent jeunes encore, et s’il n’en avait laissé jusque-là nulle part, devait-il en laisser un dans cette bourgade et dans l’âme de cette pauvre Lasthénie de Ferjol, qui tremblait comme une feuille devant lui, et à qui son départ causa le sentiment d’une délivrance et le bien-être d’une dilatation ?… Il avait