Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/76

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toujours été pour elle ce que les jeunes filles appellent « leur cauchemar », quand elles ont des antipathies, — et si Lasthénie ne l’appelait pas ainsi, c’est que l’énergie manquait à son langage comme à sa personne. Fille charmante, mais débile, ayant comme la fatalité de sa faiblesse, Lasthénie fut heureuse de ne plus sentir la présence de l’homme qui lui faisait, sans raison, mais invinciblement, l’effet d’un fusil chargé dans un coin. Le fusil n’y était plus. Elle en fut heureuse, mais il y a des bonheurs qui mentent ! Mais si réellement elle en fut heureuse, pourquoi le bonheur de cette délivrance n’éclaira-t-il pas un visage qui depuis bien peu de temps avait le pli d’on ne savait quelle horreur secrète, entre ses longs sourcils, d’ordinaire si tristes, mais si placides ?… Madame de Ferjol, à l’âme robuste et au bon sens normand, voyait les choses de trop haut et de trop d’ensemble pour éplucher le front de sa fille et y apercevoir les rides d’eau douce qui se creusaient quelquefois sur ce front de rêveuse, aussi pure qu’un lac mélancolique ; mais Agathe, elle, Agathe,