Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/204

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l’idée du fantôme du soldat assassin et de l’abbé Sombreval.

Ils touchèrent enfin à l’échalier dont elle avait parlé et qui fermait la lande à l’est.

— Il faut que je vous quitte ici, la Malgaigne, dit Néel. Je m’en vais à Néhou. Vous allez à Taillepied. Nous devons nous tourner le dos, mais vous n’avez pas besoin de compagnon de route…

— Non, monsieur Néel, répondit-elle. Les chemins me connaissent. Je suis une voyageuse de nuit autant que de jour. Il y a longtemps que j’ai amitié avec les ténèbres. Et d’ailleurs, à la grâce de Dieu ! Qui donc voudrait faire de la peine à une pauvre vieille femme comme moi ? Les plumes de la chouette abattue ne vaudraient pas les quatre sous de poudre qu’on aurait brûlés pour la tuer.

— À la grâce de Dieu donc ! dit Néel, et qu’il vous protège, la Malgaigne !

— Et vous aussi, monsieur Néel ! fit-elle. Vous en avez plus besoin que moi.

Et elle enfourcha l’échalier avec la célérité de l’habitude, et elle s’éloigna, continuant de se parler à elle-même, comme font des gens préoccupés ou les gens hors de leur bon sens — ce qui est souvent la même chose.

Néel demeura plusieurs secondes à l’écouter qui s’éloignait et à rouler en lui-même le der-