Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/86

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Délicieuse et charmante histoire que cette histoire de la toilette chinoise du pauvre lazariste, par laquelle Huc commence son voyage ! Il n’y a que des prêtres catholiques pour avoir de ces étonnantes souplesses d’Alcibiade ! La pureté, la grandeur de leur intention, l’absence complète d’orgueil et de pédantisme (car le pédantisme est de l’orgueil, sous sa plus laide forme, il est vrai), le désintéressement de tout ce qui n’est pas la gloire de Dieu et son triomphe, voilà ce qui rompt et assouplit le prêtre catholique, et fait de lui cette merveilleuse organisation domptée qui se ploie aisément à toutes les coutumes et le rend propre à toutes les fonctions. Huc ne craint pas même d’exagérer la dignité, le sentiment humain de son droit, dans l’intérêt supérieur de l’idée chrétienne qu’il représente aux yeux des populations chinoises. Il a la fierté d’un Charles XII à Bender. En plusieurs circonstances de son voyage, il rappelle presque la belle scène des coups de cravache chez le pacha, dans l’Itinéraire de Chateaubriand. À chaque instant, on croit qu’elle va se lever, cette cravache indignée, dans la main de ce prêtre mâle et ferme, qui exige si nettement ce qu’on lui doit, ne fût-ce que pour éviter d’être foulé, lui et la considération de tout prêtre venant après lui en Chine, sous les pieds d’un peuple lâche, gouverné par le bâton, et qui a toujours besoin de sentir le vent du bambou sur sa tête !

Huc avait obtenu d’un des principaux mandarins de