Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/119

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La grande vérité dont je sentais la flamme ;
Et comme un jardinier qui bêche avec amour,
Sur mon pinceau courbé, j’ai sué plus d’un jour :
Puis, quand j’ai vu tomber la nuit sur ma palette,
J’ai croisé les deux bras, et reposant la tête
Sur le coussin sculpté de mon sacré tombeau,
Comme mes devanciers, le Dante et le Giotto,
J’ai fermé gravement mon œil mélancolique
Et me suis endormi, vieux peintre catholique,
En pensant à ma ville, et croyant fermement
Voir mon œuvre et ma foi vivre éternellement.

Dors, oh ! Dors, Orcagna, dans ta couche de pierre,
Et ne rouvre jamais ta pesante paupière,
Reste les bras croisés dans ton linceul étroit ;
Car si des flancs obscurs de ton sépulcre froid,
Comme un vieux prisonnier, il te prenait envie
De contempler encor ce qu’on fait dans la vie,
Si tu levais ton marbre et regardais de près,
Ta douleur serait grande, et les sombres regrets