Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/139

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Faut-il se dire enfin sous le mal qui nous ronge :
L’art n’est plus qu’un vain mot, un stérile mensonge ;
Le temps a tout usé ce tissu précieux,
Ce riche vêtement, cet habit gracieux,
Que Dieu fila lui-même, et que sa main féconde
Déploya pour couvrir la nudité du monde,
La forme ! — elle si grande et belle au premier jour,
Si belle que le maître, avec un œil d’amour
Contemplant de son haut l’univers plein de grâce,
Et comme en un miroir y reflétant sa face,
Pensa quelques instants que le monde était bien,
Et qu’en ses éléments le mal n’entrait pour rien :
La forme ! Elle a perdu sa pureté première.
Partout l’homme aujourd’hui maltraite la matière,
Et son souffle ternit la native fraîcheur
Qu’elle avait comme un fruit que l’on cueille en sa fleur,
Plus l’homme avide étend son empire sur terre,
Plus la forme pâlit sous la main adultère,
Plus cette belle trame et ce réseau divin
Échangent leurs fils d’or contre des fils d’airain,