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Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/138

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L’homme ici ne croit plus qu’aux choses que l’on touche,
Au pain qu’on mange, au vin qui parfume la bouche,
À la gorge en fureur qui bondit sous la main,
Et puis au coutelas qui vous perce le sein.
Pour le reste, néant ; sous ses paupières brunes
Peuvent s’amonceler des torrents de fortunes,
La terre peut trembler sous les plus hauts destins,
Des fronts peuvent jaillir les chants les plus divins,
Aux cieux peuvent briller les plus illustres gloires :
Tout ici, jusqu’au nom, s’efface des mémoires,
Et quand vous demandez : qui jadis là vivait ?
Le peuple indifférent vous répond : qui le sait !
Ah ! Sommes-nous donc tous sous un souffle de glace,
Sous un vent fade et mou qui nous ride la face,
Nous ôte la vigueur, nous arrête le pouls,
Et sous nos corps penchés fait trembler nos genoux ?
Avons-nous en dégoût pris toute gloire humaine,
Et vivant pour nous seuls, sans amour et sans haine,
N’aspirons-nous qu’au jour où le froid du tombeau
Comme un vieux parchemin nous jaunira la peau ?