Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/216

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ilemme.
Ne pourriez-vous résoudre autrement le problème
Et dépenser l’esprit dont Dieu vous a doté
Autrement qu’en injure et qu’en obscénité ?
Ne vous trompez-vous pas, en prenant cette allure,
Sur le but de la vie et sur votre nature ?

Arétin.
Non, compère, mon pied ne porte pas à faux ;
Je sais ce que je fais, je sens ce que je vaux
Et vois sous leur vrai jour les objets de ce monde.
Jeté par le hasard sur la machine ronde,
Avec le vide en poche et le mépris des miens,
J’en fais payer la chance à mes concitoyens.
Peut-être pensez-vous que les terrestres choses
Sont aptes à durer et, comme fraîches roses,
Faites pour refleurir un jour en quelque éden,
Alors vous vous réglez là-dessus, et c’est bien.
Mais moi je n’y crois pas : je suis sûr, au contraire,
Que notre pauvre corps, ce bahut de misère,
Est un étui trop sale et trop matériel
Pour en soi renfermer un esprit immortel,
Que tout meurt avec nous et que, ce que l’histoire,
Les lettrés, les niais nomment du nom de gloire,
N’est que fumée errante un siècle ou deux à l’œil
Et dans l’éternité submergeant son orgueil.

Si nature m’avait créé comme le Tasse
Sans estomac, sans reins, triste et blême de face,
J’aurais pu comme lui vivre de rêves creux,
De fruits confits, d’eau pure et d’amours langoureux ;
Mais bâti comme Hercule et d’un sang plein de flammes,
Aimant ce que la vie a de meilleur, les femmes,
Les écus et le vin, comme un moine cloîtré,
L’âme toujours au ciel et le corps macéré,
Je ne pouvais user mes jours en abstinences :
Je suis d’un autre bois. -voyez nos excellences,