Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/219

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uprêmes
De l’art bien peu de gens vont jugeant par eux-mêmes,
Et comme il est facile en l’océan des sots
De couler un artiste avec quelques bons mots.

Cependant, quoique un bout d’égoïsme apparaisse
Dans les bons sentiments que pour vous je professe,
Croyez bien qu’il s’y trouve aussi désir ardent
De vous voir désormais plus sage, plus prudent,
Plus glorieux enfin que vous n’avez pu l’être.

Arétin.
Ce désir-là, seigneur, me touche et me pénètre.

Titien.
Vous voyez qu’avec vous je ne me cache pas
Et dis vrai : j’admets donc que parti de très-bas,
Sous le mépris des gens, sans guide et sans ressource,
Pour prendre votre élan et porter votre course
Au sommet fabuleux où vous êtes monté,
Vous ayez dû combattre avec brutalité,
Frapper plus fort que juste et, comme maints bélîtres,
Attaquer toutes gens et casser toutes vitres ;
Mais vainqueur aujourd’hui, triomphant et fêté
Des riches et des grands et de la royauté,
Souverain du public, maître de la fortune,
Pourquoi ne pas saisir cette chance opportune,
Laisser là le pamphlet et faire à nos neveux
Le don de quelque écrit noble et consciencieux ?


Arétin.
Pour de bonnes raisons, cher maître, et la meilleure
C’est que tout mon esprit disparaîtrait sur l’heure,
Et que ce bon public, si friand de mes vers,
Se boucherait l’oreille au bruit de mes concerts.
Ce qu’on attend de moi c’est de la ca