Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/221

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Titien.
C’est aussi là le fait de plus d’un barbouilleur
Que les faveurs des sots encouragent à peindre ;
Au juste, au naturel ne pouvant pas atteindre,
Ils recherchent l’effet, et leur crayon outré
Tombe dans le bizarre ou dans l’exagéré.

Arétin.
Impuissance est le mot de leur folle peinture
Plus encor qu’elle n’est un travers de nature.

Titien.
Je le crois. -mais, seigneur, ne redoutez-vous pas
Que ce style par vous jugé fantasque et bas
Ne rebute, et que las de vos façons d’écrire
Le public à la fin ne veuille plus vous lire ?
Alors abandonné de son rire flatteur
Et les échos manquant à votre vers railleur,
Que deviendra pour vous cette puissance vaine
Dont vous vous targuez tant ?

Arétin.
Je n’en suis pas en peine,
Elle a pour fondement quelque chose de mieux
Qu’une phrase bien faite, un vers mélodieux :
C’est la malignité, nourriture éternelle
Et sûr appui de toute impuissante cervelle.
Caressez l’intérêt, les sens, la vanité,
L’envie au rire faux et plein de cruauté,
Vous serez les héros et les dieux de la foule !
C’est dans le vil crottin que s’engraisse la poule ;
C’est avec le fumier qu’on obtient le froment.
Tant que l’homme en son cœur aura quelque agrément
À voir calomnier et mordre ses semb