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EPITRE.

Et les neuf doctes Sœurs, par l’aveu d’Apollon ;
Du beau ſéjour de Sceaux font leur ſacré Vallon.
C’eſt-là qu’avec plaiſir on te voit ſur la Scene,
Imiter tour à tour Thalie & Melpomène.
Quelles graces alors ! que d’attraits à la fois !
Prête aux plus foibles vers la douceur de ta voix.
Mais puis-je m’arrêter (& ſans m’en faire un crime)
A ce qui n’eſt qu’un jeu de ton eſprit ſublime ;
Lorſqu’un ſi vaſte champ s’ouvre devant mes pas ?
Que ne puis-je y courir ! que n’y verrois-je pas !
Quels ſecrets à nos yeux dérobe la nature,
Dont tu n’oſes percer la nuit la plus obſcure !
Quel abîme profond s’offre à l’eſprit humain,
Dont tu ne te ſois pas applani le chemin ?
Mais quels ſont les projets où ma Muſe s’égare ?
Quoi ? je vais dans les airs me perdre avec Icare
J’oſerois te chanter ! que j’en ſuis encor loin !
Non, ce n’eſt pas à moi qu’appartient un tel ſoin.
Heureuſe, ſi je puis, pour le prix de mes veilles,
Occuper un moment tes yeux & tes oreilles !
Mais plus heureuſe encor (je n’oſe m’en flater)
Si tu cheris mes Vers juſqu’à les reciter !
Quel ſeroit mon deſtin ! Une gloire ſi belle,
D’une nouvelle ardeur animeroit mon zele.
Tous mes Vers à ton nom conſacrez déſormais,
Seroient trop aſſurez de ne vieillir jamais.