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TRAGEDIE
Oronte.

Ne précipitez rien, Seigneur, & gardez-vous
D’attirer ſur vous-même un funeſte courroux.

Aryante.

Ah ! qu’il tombe ſur moi ce courroux ſi terrible,
Sans frapper de mon cœur l’endroit le plus ſenſible !
Je ſçai que je devrois, aimant ſans être aimé,
A défendre Mandane être moins animé.
Je te dirai bien plus ; je voi que ſi j’éclate,
Pour mon heureux Rival je ſauverai l’ingrate.
Mais enfin je l’adore, & quel que ſoit mon ſort,
Je ne puis conſentir qu’on lui donne la mort :
Et ſi le coup partoit de la main de ma Mere,
Plus loin que je ne veux j’étendrois ma colére ;
Mon cœur au deſeſpoir n’examineroit rien ;
Mon pouvoir en ces lieux ne cede pas au ſien.
Ses Sujets qu’un beau zele en ma faveur enflamme,
Ne vivent qu’à regret ſous les loix d’une femme.
Ils font ſonder mon cœur par de ſecretes voix.
Si je les en avoue, ils ſoutiendront mes droits.
D’ailleurs, mes Iſſedons pleins d’une noble envie,
Pour me rendre mon rang perdront cent fois la vie ;
Et Tomyris enfin, malgré tout ſon orgueil,
En ſoulevant les flots peut trouver un écueil.
Elle n’a pas beſoin que ma fureur s’irrite,
Et je ne ſens que trop… Mais que veut Aripithe ?