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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/205

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TOMYRIS,


Scène VII.

ARYANTE, ORONTE.
Aryante.


ORonte, qu’en crois-tu ? Tu l’entens, tu le vois.
Son orgueil ſe dément pour la première fois.
Dois-je être en ſureté pour moi, pour ce que j’aime ?

Oronte.

Je l’avourai, Seigneur, ma ſurpriſe eſt extrême,
Et je connoîtrois mal le cœur de Tomyris,
Si d’un tel changement je n’étois pas ſurpris.

Aryante.

Je le connois trop bien pour m’y laiſſer ſurprendre ;
Je ſçais de ſes bontés ce que je dois attendre.
Non, ma ſuperbe Mere a beau diſſimuler :
Plus elle me raſſure, & plus je dois trembler.
N’ai-je pas vu cent fois ſon cœur de ſang avide,
Ne prendre en ſes projets que ſa fureur pour guide ;
Et ſacrifiant tout à ſes moindres ſoupçons,
Tracer à ſes enfants de ſanglantes leçons ?
Je frémis des horreurs que mon eſprit raſſemble.
Mais ſi je dois trembler, qu’à ſon tour elle tremble.
Du ſang de Tomyris j’ai déja la fierté.
Si je vais quelque jour juſqu’à ſa cruauté,
Juſqu’à ſuivre ſes pas ſi jamais je m’égare,
Je ſerai digne fils d’une mere barbare.