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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/209

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TOMYRIS.

Combien de jours tranchés par ſon fer homicide !
Tout tomboit ſous les coups qui partoient de ſa main,
Ils étoient au-deſſus de tout l’effort humain.
Je ne puis ſans frayeur m’en retracer l’image :
A travers mille horreurs ſe frayant un paſſage
Terrible, & tout couvert de pouſſiere & de ſang,
Ce Guerrier furieux voloit de rang en rang ;
Par-tout devant ſes pas marchoit la mort horrible :
Les ſiens étoient vaincus, lui toûjours invincible ;
Et ſi mes Iſſedons ne l’avoient arrêté,
C’en étoit fait, Mandane étoit en liberté.
Dieux ! par combien d’exploits leur foi s’eſt ſignalée !
La valeur de Cyrus, par le nombre accablée ;
N’a pu le garantir du plus affreux revers.
Mais c’étoit peu pour moi de lui donner des fers :
J’en voulois à ſa vie, Oronte ; & ſans ma Mere,
J’appaiſois par ſa mort les mânes de mon frere.
Tomyris l’a ſauvé de mon premier tranſport,
Elle m’a défendu de lui donner la mort.
Quel eſt donc l’intérêt qu’elle prend à ſa vie ?
Croit-elle ſa fureur foiblement aſſouvie,
Si l’ennemi cruel que ſa haine pourſuit,
Deſcend par un ſeul coup dans l’éternelle nuit ?
Veut-elle, pour répondre à l’horreur qui l’anime,
Au milieu des tourmens immolant ſa victime,
Arroſer de ſon ſang le tombeau de ſon fils ?