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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/218

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TRAGEDIE.

Non, ne l’eſperez point. Ce n’eſt pas tout encore :
Mandane eſt dans mes fers ; Aryante l’adore ;
C’eſt en les uniſſant que je veux deſormais
Aſſurer à mon Peuple une conſtante paix.
Oui, que mon fils l’épouſe ; & la guerre eſt finie.

Cyrus.

Qu’il l’épouſe ! Ah ! plutôt qu’il m’arrache la vie !

Tomyris.

Sans moi déja ſa main vous eût ravi le jour :
Il avoit à venger ſon frere & ſon amour ;
Et ſa bouche en ces lieux vient de me faire un crime
D’avoir à ſa fureur dérobé ſa victime.
Il s’abuſe, & je veux qu’il avoue aujourd’hui
Que lors qu’il faut punir je frappe mieux que lui.
Je laiſſe à d’autres cœurs la vengeance ordinaire.
Non, votre ſang verſé n’eût pu me ſatisfaire.
Un cœur comme le mien, ſçait par un digne effort,
Inventer des tourmens plus cruels que la mort.
L’ambition vous guide, & l’amour vous enflâme ;
Ah ! par ces deux endroits je veux fraper votre ame,
Et vous livrer en proie au tourment ſans égal
De voir Sceptre & Maîtreſſe au pouvoir d’un Rival.

Cyrus.

Ce Rival n’aime point, ou je ne dois pas craindre
Qu’en adorant Mandane il oſe la contraindre.
Mais, Madame, je veux qu’oubliant ſon devoir,
Il exerce ſur elle un injuſte pouvoir ;
Quels que ſoient ſes projets, croit-il que Cyaxare
Souffre que de ſon Trône un Etranger s’empare ?