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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/25

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ARRIE ET PETUS,

Regnez sur les Romains ainſi que ſur mon ame.
S’il étoit ici-bas un rang plus élevé,
Les Dieux, & mon amour vous l’auroient reſervé.
Mais enfin à vos pieds je mets la terre & l’onde,
L’époux que je vous offre eſt le maître du monde :
Et, quelque grand qu’il ſoit, vous voyez toutefois
Que ce Maître du monde eſt ſoumis à vos loix.

Arrie.

Seigneur, de quelque éclat que votre amour me flate,
L’excès de vos bontez ne feroit qu’une ingrate :
Retenez vos préſens pour exemter mon cœur,
D’être ſi peu ſenſible au choix d’un Empereur.
Dans l’état où je ſuis, à moi-même contraire,
Je hais tout, je fuis tout, juſqu’au jour qui m’éclaire.
Agrippine à vos vœux répondra mieux que moi :
Rendez-lui votre cœur, gardez-lui votre foi.
Je vous l’ai déja dit, j’aime la ſolitude :
J’en ai fait dans mes maux une douce habitude.
Helas ! ne m’ôtez pas à force de m’aimer,
Le ſeul bien qui me reſte, & qui peut me charmer.

Claudius.

Et vous par un refus à mon eſpoir funeſte,
Ne m’ôtez pas auſſi le ſeul bien qui me reſte.
Non, je ne mets le prix de l’Empire Romain
Qu’à la ſeule douceur de vous donner la main.
Consentez-y, Madame, & d’un cœur qui vous aime,
Songez que le deſtin dépend tout de vous-même.