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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/26

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TRAGEDIE.

Arrie.

Quoi ! vous m’aimez, Seigneur, & voulez cependant
Attirer ſur ma tête un orage éclatant.
Faut-il, ſi je peris, que votre amour l’ordonne,
Et que pour m’immoler votre main me couronne ?
Car je ne ſçai que trop qu’un cœur ambitieux
S’approche de la foudre en s’approchant des Dieux.
Des coups de la fortune à mes dépens inſtruite,
Je ſçai tous les malheurs qu’elle traîne à ſa ſuite :
Et pour me diſpenſer d’un inutile ſoin,
L’exemple en eſt chez moi, ſans le chercher plus loin.

Claudius.

Oubliez des malheurs dont la fin eſt ſi belle :
Et ne ſongez qu’au trône où mon choix vous appelle.

Arrie.

Heureux ! qui fuit l’orage & ſe tient dans le port.
De Silanus mon pere enviſageant le ſort,
Je le voi s’allier au ſang de Meſſaline.
En s’approchant du trône il court à ſa ruine,
Il ſe creuſe lui-même un précipice affreux :
Un rang moins élevé l’eût rendu plus heureux.
Le même ſort m’attend, votre amour me l’apprête,
Souffrez qu’à ce péril je dérobe ma tête.
Je connois Agrippine, & toute ſa fureur,
J’en prévoi des effets qui me glacent d’horreur,
Et lorſque vous m’offrez la puiſſance ſuprême,