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TOMYRIS,

Et j’aurois moins failli, ſi j’avois moins aimé.
J’avourai, s’il le faut, que je n’ai pas dû croire
Qu’un Héros juſqu’ici couvert de tant de gloire,
En eût terni l’éclat par une trahiſon :
Mais pouvois-je vous perdre, & garder ma raiſon ?

Cyrus.

Ah ! c’en eſt trop, Madame ; Aryante lui-même
Ne peut qu’être jaloux de mon bonheur extrême.
Allez à ce Rival engager votre foi.
Je triomphe de lui ; votre cœur eſt à moi.

Mandane.

Moi, je pourrois ſouffrir qu’une fatale chaîne
Me livrât pour jamais à l’objet de ma haine !
Mais vous-même, Seigneur, pourriez-vous le ſouffrir ?
Il m’attend à l’autel ; j’y vais, mais pour mourir.

Cyrus.

Pour mourir ! juſtes Dieux ! quel funeſte langage !

Mandane.

Heureuſe, ſi mon ſang peut expier l’outrage
Dont j’ai voulu flétrir l’amour le plus parfait !
Puis-je trop en répandre ?

Cyrus.

Puis-je trop en répandre ? Helas ! qu’ai-je donc fait ?
Cruel, n’ai-je pas dû, ſans rompre le ſilence,
Vous laiſſer de mon cœur ſoupçonner la conſtance ?
De votre hymen mon crime allumoit le flambeau ;
Et vous ſortez d’erreur pour deſcendre au tombeau.