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TRAGEDIE.

Pourquoi ? Pour étaler vos mépris à mes yeux ;
Et vous portez ſi loin votre injustice extrême,
Qu’aux mains d’un autre Epoux vous me livrez vous-même.

Cyrus.

Cruelle ! il falloit donc vous conduire à l’autel,
Et vous laiſſer tomber ſous un couteau mortel ?
D’une Reine en fureur vous étiez la victime.
J’ai voulu vous ſauver : voilà quel est mon crime.
Oui, réduit à vous voir, par un arrêt fatal,
Dans les bras de la mort, ou dans ceux d’un Rival,
Je n’ai point balancé. Vous ſçavez tout le reſte.
Chargé de propoſer un hymen ſi funeste,
Quel tourment ! De moi-même il m’a fallu garder ;
Il m’importoit ſur-tout de vous persuader.
Je l’ai fait : Vous allez épouſer Aryante,
Et moi je vais mourir. Regnez, vivez contente.
Mais pour ſauver vos jours, quand je cours au trépas,
Si vous ne me plaignez, ne me condamnez pas.

Mandane.

Qu’ai-je entendu ? grands Dieux ! que je ſuis criminelle !
Quoi ! j’ai pu ſoupçonner l’amant le plus fidéle,
Tandis qu’il s’immoloit pour me prouver ſa foi :
Ah, Seigneur ! ſi jamais vous brulâtes pour moi,
Et si vous connoiſſez l’amour & ſa puiſſance,
Pardonnez une erreur qui lui doit ſa naiſſance.
Vous ſçavez qu’un cœur tendre eſt toujours allarmé ;