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LA MORT

Cesar.

Je le sçai : mais, Albin, il n’est pas achevé.

Albin.

Vous pouvez prévenir le coup qui vous menace.

Cesar.

Et pour le prévenir que veux-tu que je fasse ?
Dois-je à tous mes amis faire donner la mort ?
Et quand je l’oserois, puis-je éviter mon sort ?

Albin.

Mais Antoine & Brutus devant vous vont paroitre ;
Pénétrez, s’il se peut, qui des deux est le traître,
Et vengez-vous alors de son lâche attentat :
On n’est pas criminel de punir un ingrat.

Cesar.

Tout ingrat qu’il seroit, s’il étoit ma victime,
Je sçai trop de quel œil Rome verroit son crime ;
On lui décerneroit des honneurs immortels,
Je verrois à son nom élever des Autels,
Tandis que par sa mort couvert d’ignominie,
Je n’entendrois parler que de ma tyrannie ;
Moi Tyran ! ce nom seul me fait frémir d’horreur.
Albin, tu lus cent fois dans le fond de mon cœur,
Rien ne me fut plus cher que de regner sur Rome.
Quelle gloire, quel sort ! c’étoit trop pour un homme,
Et ce suprême rang si long-tems désiré,
Entre les Dieux & moi n’eût laissé qu’un degré :
Mais je crus que le peuple & le Sénat lui-même