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DE CESAR.

Et c’est-là de mon sort le coup le plus horrible,
A tout autre malheur je serois insensible ;
Oui, si mes assassins n’étoient pas des ingrats ;
D’un oeil indifférent je verrois mon trépas :
Mais qu’Antoine & Brutus, en qui je me confie,
Comblés de mes bienfaits, attentent fur ma vie ;
Malgré tout mon amour que l’une & l’autre main
S’ouvre jusqu’à mon cœur un barbare chemin.
Le Ciel peut-il sur moi déployer plus de rage,
Et puis-je sans horreur m’en tracer une image ?
Parlez, & d’un tel sort pour m’épargner l’horreur,
Démentez, s’il se peut, & les Dieux & mon cœur.

Antoine.

Si c’est au nom d’ami, Seigneur, qu’on doit connoître,
Quiconque, auprès de vous doit passer pour un traître ;
S’il faut qu’un nom si cher donne un titre odieux,
Je ne puis démentir votre cœur ni les Dieux ;
Des témoins si sacrés ont droit de me confondre,
Et dès qu’ils ont parlé je n’ai rien à répondre :
Mais si des faux amis les vrais sont discernez,
Tout parle en ma faveur quand vous me soupçonnez :
A mon zele, à ma foi rendez toute leur gloire,
De tout ce que j’ai fait rappellez la mémoire,
Et remontez d’abord jusqu’à ces premiers tems,
Où vous aviez besoin d’amis vrais & constans,
A votre fier Rival le Sénat favorable,