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LA MORT

Antoine.

Non, ce n’est pas à vous, c’est à moi de mourir ;
Seigneur, à vos soupçons je ne sçaurois survivre,
Il faut par tout mon sang que je vous en délivre.
Après ce que je perds le trépas m’est trop doux,
Et mon heureux rival…

Brutus.

Je le suis moins que vous,
Antoine, & ce n’est pas dans l’hymen d’Octavie
Que Brutus avoit mis le bonheur de sa vie.

Cesar.

Qu’entens-je, de leur sort ils se plaignent tous deux ;
Je les aime, & c’est moi qui les rens malheureux.
Je ne m’étonne plus, quand je les sacrifie,
Si l’Oracle fatal veut que je m’en défie.
Pardonnez, chers amis, j’ai mérité la mort :
Mais enfin c’est à moi de changer votre sort.
Oui, sois heureux, Antoine, & possede Octavie ;
Reçois-la de la main qui te l’avoit ravie :
Et toi, mon cher Brutus, sois heureux à ton tour ;
C’en est fait, je te rens l’objet de ton amour.
Oui je te rens Porcie ; & si par l’hymenée
Je ne puis à mon sang unir ta destinée :
Obtiens le premier rang entre tous mes amis,
Et consens que du moins je t’appelle mon fils.

Brutus.

Ah Seigneur, c’en est trop… Pour prix d’un nom si tendre
Quel respect, quel amour ne dois-je pas vous rendre ?