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DE CESAR.

Tout sert à me confondre, & mon crime passé,
Ou plûtôt mon malheur ne peut être effacé.
Et comment à vos yeux montrer mon innocence ;
Si l’on soupçonne en moi jusqu’à l’obéissance ?

Cesar.

Que je suis malheureux ! Dieux, quel sort est le mien ?
Ils s’accusent l’un l’autre, & ne m’apprennent rien ;
Et moi toujours flotant dans mon incertitude…
Il se leve.
Ah ! c’est trop soutenir un supplice si rude ;
J’aime mieux m’avancer vers le coup que j’attens,
Que d’éprouver l’horreur de l’attendre long-tems,
Remplissez de mon sort les loix irrévocables,
Obéissez aux Dieux qui vous nomment coupables,
Frapez ; qu’aucun effroi ne retienne vos coups :
Nous sommes seuls ici, je m’abandonne à vous ;
Des plus fiers ennemis je sçai punir l’offense :
Mais contre mes amis mon bras est sans défense.
Brutus, Antoine : ô Ciel ! aucun ne me répond,
L’un & l’autre à ces mots se trouble & se confond,

Brutus. à part.

Helas !

Cesar.

Que me veut dire un si triste langage ?
D’un heureux repentir seroit-il le présage ?

Brutus à part.

Qui peut voir ce spectacle, & ne pas s’attendrir ?