Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/11

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Mais voilà que, tout d’un coup, je me suis dressé, chancelant, dans un grand battement de mon cœur comme dans un battement d’ailes…

Quoi donc ? Dans la rue, un son de cor a éclaté, un air de chasse… Apparemment, quelque piqueur de grande maison, debout près d’un comptoir de cabaret, les joues gonflées, la bouche impérieusement serrée, l’air féroce, émerveille et fait taire l’assistance.

Mais ce n’est pas seulement cela, cette fanfare qui retentit dans les pierres de la ville… Quand j’étais petit, à la campagne où j’ai été élevé, j’entendais cette sonnerie, au loin, sur les chemins des bois et du château. Le même air, la même chose exactement ; comment cela peut-il être si infiniment pareil ?

Et malgré moi, ma main est venue sur mon cœur avec un geste lent et tremblant.

Autrefois… aujourd’hui… ma vie… mon cœur… moi ! Je pense à tout cela, tout d’un coup, sans raison, comme si j’étais devenu fou.

… Depuis autrefois, depuis toujours, qu’ai-je fait de moi ? Rien, et je suis déjà sur la pente. Ah ! parce que ce refrain m’a rappelé le temps passé, il me semble que c’est fini de moi, que je n’ai pas