C’est la fin du repas. Presque tout le monde est parti. Les tasses de café, les petits verres poissés de liqueur sont épars sur la table où brille un rayon de soleil qui moire la nappe et fait scintiller la verrerie. Une tache de café répandu, sèche, odorante.
Je me mêle à la conversation de Mme Lemercier et d’elle. Elle me regarde. C’est à peine si je reconnais son regard, que j’ai vu tout entier.
Le valet de chambre vient dire quelques mots, bas, à Mme Lemercier. Celle-ci se lève, s’excuse et quitte la pièce. Je suis à côté d’Aimée, m’étant tout à l’heure rapproché. Il n’y a dans la salle à manger que deux ou trois personnes, qui discutent l’emploi de l’après-midi.
Je ne sais pas quoi lui dire, à cette dame. La conversation entre elle et moi languit, est tombée. Elle doit supposer qu’elle ne m’intéresse pas, — cette femme dont je vois le cœur, et dont je connais le destin aussi bien que Dieu pourrait le connaître.
Elle tend la main vers un journal qui traîne sur la table, s’absorbe un instant dans la lecture, puis plie la feuille, se lève à son tour, et part.
Écœuré par la banalité de la vie, et d’ailleurs appesanti par l’heure, je m’accoude, ensommeillé, sur la table infinie, sur la table allumée par le soleil, sur la table évanouissante — faisant un effort pour ne pas alanguir mes bras, baisser le menton, clore mes paupières.
Et dans cette salle en débandade, déjà discrètement assiégée par les domestiques pressés de desservir et de ranger pour le repas du soir, je