Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/118

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possible. Il ne répondait plus. Il la tenait, la berçait un peu, la câlinait avec précaution et tendresse. Il semblait agir avec elle comme avec un enfant malade qu’on soigne, sans lui expliquer… Et ainsi, il était aussi loin d’elle qu’il était possible de l’être.

Mais il se troublait de son contact. Même abattue, tombée et désolée, elle palpitait chaudement contre lui ; même blessée, il convoitait cette proie. Je vis luire les yeux posés sur elle tandis qu’elle s’abandonnait à la tristesse, avec un don parfait de soi. Il se pressa sur elle. Ce qu’il voulait, c’était elle. Les paroles qu’elle disait, il les rejetait de côté ; elles lui étaient indifférentes, elles ne le caressaient pas. Il la voulait, elle, elle !

Séparation ! Ils étaient très pareils d’idées et d’âmes, et, en ce moment, ils s’aidaient étroitement l’un l’autre. Mais je m’apercevais bien, moi spectateur délivré des hommes, et dont le regard plane, qu’ils étaient étrangers et que, malgré l’apparence, ils ne se voyaient pas et ne s’entendaient pas… Elle, triste, et vaguement animée peut-être par l’orgueil de persuader, lui, excité et désirant, tendre et animal. Ils se répondaient le mieux qu’ils pouvaient mais ils ne pouvaient pas se céder et essayaient de se vaincre ; et cette espèce de bataille terrible me déchirait.

Elle comprit son désir. Elle dit, plaintive, comme une enfant en faute :

— Je suis malade…