Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je la voyais, j’apprenais qu’il était question d’elle et de moi !

« Ah ! échapper à cette décoloration qui se pose sur vous, vous prend, comme des pantins, par le haut ; à cette extinction de la couleur des cheveux, qui vous couvre de la pâleur du linceul, des ossements et des dalles… »

Elle se souleva et cria dans le vide :

— Fuir le filet des rides !

Elle continuait :

— Je me dis : « Tout doucement, tu y vas, tu y arrives. Ta peau se desséchera. Tes yeux qui, même au repos, sourient, pleureront tout seuls… Tes seins et ton ventre se flétriront, comme les haillons de ton squelette. La lassitude de vivre entr’ouvrira ta mâchoire, qui bâillera continûment, et tu grelotteras continûment, à cause du grand froid. Ta face sera terreuse. Tes paroles qu’on trouvait charmantes paraîtront odieuses quand elles seront cassées. La robe qui te cachait trop, aux yeux des foules mâles, ne cachera pas encore assez ta nudité monstrueuse, et l’on détournera les yeux, et l’on n’osera même pas penser à toi ! »

Oppressée, portant les mains vers sa bouche, elle étouffait, elle étouffait de vérité, comme si, vraiment, elle avait trop à dire. Et c’était magnifique et terrifiant.

Il la saisit dans ses bras, éperdu. Mais elle était comme délirante, transportée par une universelle