Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/132

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où elle était, et qui, eux aussi, voulaient s’arracher du néant et vivre plus, mais son vœu à elle, c’était tout le salut. Son humble cœur génial allait, dans son effusion, de toute la mort à toute la vie. Ses yeux étaient tournés du côté de la fenêtre blanche, et c’était la plus vaste demande possible, le plus vaste des désirs humains qui palpitait dans cette sorte d’assomption de sa figure au ciel.

— Oh ! arrête, arrête le temps qui passe ! Tu n’es qu’un pauvre homme, qu’un peu d’existence et de pensée perdues au fond d’une chambre, et je te dis d’arrêter le temps, et je te dis d’empêcher la mort !

Sa voix s’éteignit, comme si elle ne pouvait plus rien dire, toute sa supplication dépensée, usée, à bout ; et elle s’abîma dans un pauvre silence.

— Hélas ! lui dit l’homme…

Il regarda les larmes de ses yeux, le silence de sa bouche… Puis il baissa le front. Peut-être se laissait-il aller au suprême découragement ; peut-être s’éveillait-il à la grande vie intérieure.

Quand il releva la tête, j’eus confusément l’intuition qu’il aurait su quoi répondre, mais qu’il ne savait pas encore comment le dire — comme si toute parole devait commencer par être trop petite.

— Voilà ce que nous sommes ! répéta-t-elle en soulevant la tête, en le considérant, espérant l’impossible contradiction, — comme un enfant demande une étoile.

Il murmura :

— Qui sait ce que nous sommes…