Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/135

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la chambre, je contemplai l’homme, avec la femme à ses pieds, informe comme une nuée et comme un piédestal… Son front, à lui, ses mains, ses yeux, toute sa lumière pensante, émergeaient comme une constellation.

Et c’était sublime de le voir commencer à résister.

— Nous sommes ce qui demeure.

— Ce qui demeure ! Nous sommes au contraire ce qui passe.

— Nous sommes ce qui voit passer. Nous sommes ce qui demeure.

Elle haussa les épaules, d’un air de protestation, de mésintelligence. Sa voix était presque haineuse.

— Oui… non… Peut-être, si tu veux… Après tout, que m’importe ? Cela ne console pas.

— Qui sait si nous n’avons pas besoin de la tristesse et de l’ombre, pour faire de la joie et de la lumière.

— La lumière existerait sans l’ombre.

— Non, dit-il doucement.

Elle répondit pour la deuxième fois :

— Cela ne console pas.

Puis il se rappelle qu’il a déjà pensé à toutes ces choses…

— Écoute, dit-il, d’une voix palpitante et un peu solennelle, comme un aveu. J’ai imaginé une fois deux êtres qui sont à la fin de leur vie, et se rappellent tout ce qu’ils ont souffert.

— Un poème ! fit-elle, découragée.