Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/146

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de la mort était partout. Car ce qui est épouvantable, ce n’est pas la mort, c’est l’idée de la mort qui ruine toute l’activité en projetant une ombre souterraine. L’idée de la mort : la mort qui vit… « Oh ! comme j’ai souffert… Comme j’ai dû souffrir !  »

« Voilà ce qui fut et qui, enfin, ne sera plus. Voilà toutes les espèces de ténèbres qui nous ont défendus contre la durée du bonheur. Tout se réduit à de l’envahissement et à du noir dont la vie veut s’évader. « Nous sommes ceux, crie-t-il comme au commencement, nous sommes ceux qui n’ont jamais eu de lumière, que l’ombre universelle a repris chaque soir, ceux dont le sang vivant, le sang profond, est noir, ceux dont le rêve obscur salit tout ce qu’il touche, et nos yeux sont aussi ténébreux que nos bouches. Vides et noirs, nos yeux sont aveugles, nos yeux sont éteints : il leur faut le grand secours des cieux… Souviens-toi, quand groupés sous la calme tempête du soir, nous conservions un rayon sur nos têtes, et nous voulions longtemps que la nuit ne fût pas. Ton faible bras, posé fortement sur mon bras, palpitait… Écrasant notre morne envolée, la nuit nous reprenait la lumière volée… »

« La nuit s’épandait d’eux comme d’une blessure à leur flanc ; ils faisaient vraiment de l’ombre… Et borné, ébloui par son raisonnement d’enfant, il crie : « La nuit s’engloutira ; tu seras la lumière !  » Mais la piteuse promesse immense n’a aucune influence sur l’effroi de la femme, et elle continue à demander ce qu’elle sera, elle : car la lumière,