Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/145

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place, et vibre, et réclame. Et encore une fois, il lui jette des paroles fantômes, puisqu’on lui demande ce qui sera et qu’il offre en réponse ce qui ne sera plus. Il étale à nouveau les maux subis, comme un épouvantail. Il les tire de l’enfouissement du mystère. Il avoue ce qu’il n’a jamais avoué. « Il y a ceci, cela que je t’ai toujours caché. Je te disais cela, mais je mentais. » Il inventerait presque, dans le besoin de trouver quoi répondre à l’interrogation trop simple. Il détaille les désirs, et chacun de ses lambeaux de phrases évoque une géhenne. Il a tout désiré : le bien d’autrui, le destin d’autrui, la gloire, foule immortelle. Il fait même entrevoir tout un drame tué en lui, convulsé, immobilisé, tout un grand poème possible : « Enfer plus effrayant et plus atroce encore : notre fille, qui ressemblait à ton aurore !  » Il n’a pas succombé à ses désirs, il ne les a que plus parfaitement soufferts. Il a porté en lui, avec des airs de calme, la tentation éternelle : « Clouée en moi, mais tout entière et toute grande… Oh ! tapi dans mon cœur, torturant et caché, l’inavouable mal de n’avoir pas péché !  »

« Il a par-dessus tout désiré le passé, et il revient sur cette souffrance si simple et si sûre — le passé qui est mort. Il aurait voulu pénétrer dans le passé, comme dans l’avenir, comme dans le cœur aimé. Mais le souvenir est implacable. Il est : rien ; il est : jamais plus, et celui qui revoit souffre et a le remords d’autrefois, comme un malfaiteur. Et il était aussi, et ils étaient tous deux, malgré leur piété, qui s’est enfoncée en eux avec leur vieillesse, obsédés par l’idée de la mort. L’idée