Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/15

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II


Le son du cor a cessé depuis longtemps. La rue, les maisons, se sont calmées. Silence. Je passe ma main sur mon front. Cet accès d’attendrissement est fini. Tant mieux. Je reprends mon équilibre par un effort de volonté.

Je m’assois à ma table, et tire de ma serviette, qu’on y a déposée, des papiers. Il faut les lire, les ranger.

Quelque chose m’aiguillonne ; je vais gagner un peu d’argent. Je pourrai en envoyer à ma tante, qui m’a élevé et qui m’attend toujours dans la salle basse où, l’après-midi, le bruit de sa machine à coudre est monotone et tuant comme celui d’une horloge, et où, le soir, auprès d’elle, il y a une lampe qui, je ne sais pourquoi, lui ressemble.

Les papiers… Les éléments du rapport qui doit faire juger de mes aptitudes, et rendre définitive mon admission dans la banque Berton… M. Berton, celui qui peut tout pour moi, qui n’a qu’un mot à dire, M. Berton, le dieu de ma vie actuelle…