Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/174

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Un silence. L’homme à barbe grise murmura :

— J’ai senti le sarcome, à la palpation, juste derrière la carotide.

Il porta le doigt à son cou.

— C’est tapi là, que je l’ai vu.

L’autre remua la tête — depuis qu’il était entré, sa tête paraissait animée d’un hochement continu, et il marmotta :

— Oui… pas d’opération possible.

— Naturellement, fit le vieux maître, les yeux luisants d’une sorte d’ironie sinistre ; il n’y en aurait qu’une qui pourrait lui ôter ça : la guillotine ! D’ailleurs, la généralisation est en bonne voie. Il y a des noyaux aux ganglions sous-maxillaires et sous-claviculaires, et sans doute axillaires. Le processus est foudroyant. Les trois voies respiratoire, circulatoire, digestive vont être sous peu obstruées ; l’étranglement sera rapide.

Il poussa un soupir et resta là, un cigare non allumé à la bouche, le masque rigide, les bras croisés. Le jeune homme s’était assis et appuyé au dossier du siège, tapotait le marbre de la cheminée avec ses doigts inutiles. L’un des deux hommes dit :

— Quand on est en présence de cas pareils, on se figure, dans une sorte d’éblouissement, que le cancer a choisi sa place !