Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/206

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femmes, si souvent versé !… Sa pudeur, son religieux mystère sont jetés au vent. Toute sa chair se présente, béante et rouge, exposée comme sur un étal, nue jusqu’aux entrailles.

La jeune fille l’embrasse sur le front, s’approchant courageusement tout près de l’immense cri.

Quand ce cri a une forme, c’est : « Non ! Non ! Je ne veux pas ! »

Des figures presque vieillies en quelques heures, de fatigue, d’écœurement et de gravité, passent, repassent.

J’ai entendu quelqu’un dire :

— Il ne faut pas l’aider, il faut laisser faire la nature. Elle fait bien ce qu’elle fait.

Cette phrase a en moi un écho. La nature ! Je me rappelle que le savant, l’autre jour, l’a maudite.

Et mes lèvres répètent avec surprise le mensonge proféré, pendant que mes yeux considèrent l’innocente et fragile femme en proie à la vaste nature qui l’écrase, la roule dans son sang, en tire tout ce qu’elle peut fournir de souffrance.

La sage-femme a retroussé ses manches et enfilé des gants de caoutchouc. On la voit agiter comme des battoirs ces énormes mains rouge-noir et luisantes.

Et tout cela devient un cauchemar auquel je crois à demi, la tête alourdie, la gorge prise par une âcre odeur de meurtre, et par celle de l’acide phénique, versé à pleines bouteilles.

Des cuvettes remplies d’eau rouge, d’eau rose, d’eau jaunâtre. Un tas de linge, sali, dans un coin,