Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/210

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laissé dans la chambre une lampe à demi-baissée. Il remue faiblement. Il dort. Il parle… Il rêve.

Il a souri ; il a dit trois fois : « Non ! » avec une extase augmentante. Puis le sourire qu’il adressait à la vision qui le comblait, a décru, s’est dissipé. Sa face est restée un instant rigide, fixe, comme dans une attente, puis les lèvres ont dessiné une légère moue. Subitement ensuite, le masque s’est épouvanté, la bouche s’est ouverte : « Anna ! Ah ! ah ! — Ah ! ah ! » a-t-elle crié sans se fermer, bâillonnée par le sommeil. Alors, il s’est réveillé, a roulé ses yeux. Il a poussé un soupir et s’est calmé. Il s’est assis dans son lit, encore atteint et terrifié par tout ce qui s’est passé il y a quelques secondes ; il a promené ses regards partout pour les calmer, les ôter complètement du cauchemar où ils étaient engagés. Le spectacle familier de la chambre au milieu de laquelle trône la petite lampe si sage et si immobile rassure et guérit cet homme qui vient de voir ce qui n’est pas, qui vient de sourire à des fantômes et de les toucher, qui vient d’être fou.

Je me suis levé, ce matin, rompu de lassitude. Je suis inquiet ; j’ai une douleur sourde à la face ; mes yeux, alors que je me considérais à la glace, me sont apparus sanguinolents, comme si je regardais à travers du sang. Je marche et je me meus difficilement, à demi paralysé. Je commence à être puni dans ma chair des longues heures où je reste