Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/216

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Le grand instant, le vaste colloque du mutisme d’ardeur et de vertu ! Les pauvres et faibles yeux du mourant la défloraient, l’abîmaient — et il lui fallait lutter contre la force même de cette supplication pour l’exaucer. Son action avait tout contre elle : lui et elle.

Pourtant, avec une douce coquetterie simple et auguste, elle fit glisser les épaulettes de sa chemise sur le marbre chaud de ses épaules, — et elle fut nue devant lui.

Je n’avais jamais vu une femme si radieusement belle. Je n’en avais jamais rêvée de pareille. Son visage m’avait frappé le premier jour par sa régularité et son éclat, et, très grande, — plus grande que moi, — elle m’avait paru à la fois opulente et fine, mais je n’aurais pas cru à une telle perfection de splendeur dans les formes.

On eût dit quelque Ève des grandes fresques religieuses, dans ses proportions suprahumaines. Énorme, suave, et souple, elle en avait la chair abondante, la lumière simple, le geste mesuré et important. De larges épaules, de lourds seins droits, de petits pieds et des jambes qui s’évasaient, les mollets ronds comme deux seins.

Elle avait pris instinctivement l’attitude suprême de la Vénus de Médicis : un bras demi-plié, devant ses seins, l’autre allongé, la main ouverte devant son ventre. Puis, dans une exaltation d’offrande, elle éleva ses deux mains à ses cheveux.