Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/227

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Sa voix reprit vie :

— Dieu ne peut pas me consoler.

— Mon fils, mon fils, que dites-vous ?

— Dieu ne peut pas me consoler parce qu’il ne peut pas me donner ce que je désire.

— Ah ! mon pauvre enfant, comme vous êtes enfoui dans l’aveuglement… Et la puissance infinie de Dieu, qu’est-ce que vous en faites ?

— Hélas, je ne la fais pas ! dit l’homme.

— Quoi ? L’homme se débattrait toute sa vie, tenaillé par la douleur, et il n’y aurait point pour lui de consolation ! Qu’est-ce que vous pouvez bien répondre à cela ?

— Hélas, ce n’est pas une question, dit l’homme.

— Pourquoi m’avez-vous fait appeler ?

— J’espérais, j’espérais.

— Quoi ? qu’espériez-vous ?

— Je ne sais pas, on n’espère jamais que ce qu’on ne sait pas.

Ses mains errèrent dans l’espace, puis retombèrent.

Ils restèrent muets, invariables… Je sentais bien qu’il s’agissait, dans leurs têtes, de l’existence même de Dieu. Est-ce que Dieu n’est pas, est-ce que le passé et l’avenir sont morts… Malgré tout, malgré tout, il y eut un peu de rapprochement, le temps d’un éclair, entre ces deux êtres occupés par la même idée, entre ces deux suppliants, entre ces deux frères de dissemblance.

— Le temps passe, dit le prêtre.

Et reprenant le dialogue au point où il l’avait