Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/229

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— Persuadé ou non, croyez. Il ne s’agit pas d’évidence, il s’agit de croyance. Il faut croire tout d’abord, sinon, on risque de ne croire jamais. Dieu ne daigne pas convaincre lui-même les incrédules. Il n’est plus, le temps des miracles. Le seul miracle, c’est nous, et c’est la foi. « Crois, et le ciel te fera croire. »

Crois ! Il lui jetait le même mot sans cesse, comme des pierres.

— Mon fils, reprit-il, plus solennel, debout, sa grosse main ronde levée, j’exige de vous un acte de foi.

— Allez-vous-en, dit l’homme, haineux.

Mais le prêtre ne bougea pas.

Aiguillonné par l’urgence, poussé par la nécessité de sauver cette âme malgré elle, il devint implacable.

— Vous allez mourir, dit-il, vous allez mourir. Vous n’avez que peu d’instants à vivre. Soumettez-vous.

— Non, dit l’homme.

L’homme à la robe noire lui saisit les deux mains.

— Soumettez-vous. Pas de recherche de discussion comme celle où vous venez de perdre un temps précieux… Tout cela n’a pas d’importance. Autant en emporte le vent… Nous sommes seuls, vous et moi, avec Dieu.

Il hocha la tête au petit front bombé, au nez avançant et rond, évasé en deux narines humides et sombres, aux minces lèvres jaunes bridant comme des ficelles deux dents proéminentes et isolées dans le noir ; sa figure pleine de lignes le long du front,