Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/230

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entre les sourcils, autour de la bouche, et couverte d’une couche grise sur le menton et les joues ; et il dit :

— Je représente Dieu. Vous êtes devant moi comme si vous étiez devant Dieu. Dites simplement : « Je crois », et je vous tiendrai quitte. « Je crois » : tout est là. Le reste m’est indifférent.

Il se penchait de plus en plus, collant presque sa figure à celle du moribond, cherchant à placer son absolution comme un coup.

— Récitez simplement avec moi : « Notre Père, qui êtes aux cieux ». Je ne vous demanderai pas autre chose.

La figure du malade, crispée de refus, faisait le geste de négation : Non… Non…

Tout à coup le prêtre se releva, l’air triomphant :

— Enfin ! vous l’avez dit.

— Non.

— Ah ! gronda le prêtre entre ses dents.

Il lui pétrissait les mains, on sentait qu’il l’aurait pris dans ses bras pour l’embrasser, pour l’étouffer, qu’il l’aurait assassiné si son râle eût dû être un aveu — tellement il était bondé du désir de le persuader, de lui arracher la parole qu’il était venu chercher sur sa lèvre.

Il rejeta les mains flétries, arpenta la chambre comme un fauve, revint se planter devant le lit.

— Songe que tu vas mourir, pourrir, bégaya-t-il au misérable… Tu seras bientôt dans la terre. Dis : « Notre Père », ces deux mots seulement, rien de plus.

Il était posé sur lui, épiant sa bouche, accroupi