Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/249

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Le matin, une lueur blafarde entoure ces figures et ces lumières martyrisées. La présence du jour commençant, subtil et froid, affadit l’atmosphère de la chambre, la rend plus pesante et trouble.

Une voix très basse, honteuse, a dérangé un instant le silence qui durait depuis plusieurs heures.

— Il ne faut pas ouvrir la fenêtre ; il s’abîmerait plus vite.

— Il fait froid, murmure-t-on…

Deux mains ont ramené et croisé une fourrure… Quelqu’un s’est levé, puis assis. Un autre a tourné la tête. Un soupir s’exhale.

On dirait qu’on a profité des quelques paroles prononcées pour se départir du calme où on se glaçait. Puis on adresse un regard renouvelé à l’homme placé dans la chapelle ardente, — immobile, inexorablement immobile, comme l’idole crucifiée qui est attachée dans les temples.

Je crois que, tout à l’heure, je me suis assoupi sur mon lit… Pourtant, il doit être très tôt… Tout à coup voici venir du ciel gris une sonnerie d’église.

Après cette nuit harassante, une détente contre l’immobilité cadavérique de notre attention agit malgré tout, et je sais quelle douceur me ramène de force, avec ces sons de cloche, à des souvenirs d’enfance… Je pense à une campagne, qui me garde étroitement, que les voix des cloches couvrent d’un ciel rapetissé et sensible, à une patrie de calme où tout est bon, où la neige signifie Noël, où le