Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/264

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avec le même vertigineux retard… Cette constellation, qui surmonte la ville vivante et mourante d’un diadème triste parce qu’il est trop grand, nous ne savons pas ce que c’est. Tout au plus nous doutons-nous que chacun de ses points a quelque analogie avec le brûlant Soleil, avec la boule de feu que hérissent des flammes grandes comme la distance de la Terre à la Lune. Si les yeux d’une de ces étoiles sont plus perçants que les nôtres, que voit-elle ici-bas, à l’instant où je parle ?… Parmi les formes terrestres convulsées encore et tremblantes de quelque grande crise géologique, elle voit, sur une éminence, un seul être se dégager de la terre qui attire ses quatre membres, se tendre debout en chancelant encore, et une seule face encore bestiale et effarée d’ombre lever obscurément les yeux. Et entre telle autre étoile et nous, l’échange de lumière ne s’est pas encore effectué, depuis le commencement d’elle, et lorsque son aspect se sera transporté jusqu’à nous, elle sera peut-être détruite depuis des éternités…

Et ces éternités me font penser au temps. Combien il y a-t-il de temps que la Terre existe ? Depuis que la masse gazeuse mondiale s’est détachée de l’équateur de la nébuleuse solaire, combien de milliards de siècles se sont écoulés ? On ne sait. On suppose que pour la seconde phase — de beaucoup la plus courte — de sa transformation, c’est-à-dire pour passer de l’état liquide à l’état solide, il a fallu trois cent cinquante millions d’années.

L’atome, le plus petit élément de la matière. Voici maintenant le plus grand élément : le monde