Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/273

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pas sortir de moi, et que tout : espaces, temps, raisonnements, ne sont que des façons de m’imaginer la réalité, et comme de vagues pouvoirs que j’ai.

C’est avec une sorte de frisson que j’ai trouvé dans le livre austère cette traduction des cris d’humanité qui sont venus jusqu’à moi. Le cœur humain saignait et s’éployait à travers les lignes froides et calculées de l’écrivain allemand. Peut-être faut-il une certaine gravité pour s’affranchir de l’apparence et pour comprendre les formules grandioses de la vérité ainsi purifiée. Mais je dis que ces paroles sont les plus magnifiques qui aient jamais été dictées aux hommes, et qu’elles font du livre du philosophe de Königsberg l’œuvre qui se rapproche le plus de la vraie bible. Les paroles de Jésus-Christ, faites pour régenter la société selon de nobles lignes, apparaissent, à côté, superficielles et utilitaires.

Cela est important, cela est solennel et capital, d’arracher au silence les vraies paroles, de mettre la raison où elle est, de replacer la vérité. Il ne s’agit pas d’une vaine discussion de formules, mais d’un effrayant problème personnel qui m’intéresse tout entier, d’une question de vie et de mort pour moi, d’un grand jugement sans appel où je suis impliqué.

Tout est en moi, et il n’y a pas de juges, et il n’y a pas de bornes, et il n’y a pas de limites à