Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/295

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sembla que l’élégante assistance — dessins nets et impeccables des habits noirs, nuances brillantes et comme variées à plaisir des toilettes féminines — accomplissait une sorte de cérémonie précieuse dans cette haute serre de luxe au tapis rouge. Des lampes partout, en guirlandes d’argent, en points d’or, en doux abat-jour orangés qui faisaient de petites aurores au milieu de chaque groupe de dîneurs.

Peu de places étaient libres ; je m’assis dans un coin, à côté d’une table occupée par trois convives. J’étais étourdi de la bruissante illumination, et mon âme, patiemment habituée et initiée aux grandes choses nocturnes, était comme un hibou déraciné du large azur noir et jeté par dérision au milieu d’un feu d’artifice.

J’allais essayer de me chauffer à cette grande lumière… Après que j’eus, d’une voix que je dus d’abord affermir, commandé mon menu, je voulus m’intéresser à des physionomies. Mais il était difficile de saisir celles qui m’entouraient. Les glaces les multipliaient en même temps que le décor : je voyais la même rangée, de face et de profil, éclatante… Des couples, des groupes se retiraient parmi l’empressement des garçons qui tenaient à bout de bras des pelisses ou des manteaux fragiles, complexes comme des femmes. De nouveaux arrivants se présentaient. Je remarquai que les femmes étaient, au premier coup d’œil, adorablement jolies, et d’ailleurs se ressemblaient toutes avec leurs figures blanchies et leurs bouches en forme de cœur ; à mesure qu’elles approchaient, un ou plusieurs dé-