Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/301

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La conversation des invités se centralise en un petit clan où l’on baisse légèrement la voix ; on parle du maître de la maison :

— Vous savez qu’il va être noble : le comte Loewis ! — Il a rendu de grands services au pape, en ces temps durs et troublés ; Sa Sainteté lui est très attachée. — Il paraît, fait une jeune dame naïve, qu’il l’appelle en italien « papa » tout court. — Un nouveau blason ! Le besoin s’en faisait sentir ! — Oh ! celui-là n’aura pas d’odeur, et pour cause ! — Et quelle devise à son blason ? Je propose : « Qui se perd gagne ». — Et moi : « Sauve-toi, le ciel te sauvera ». — Et moi, dit un personnage, au profil de Levantin : « Nihil circonscire sibi. » (Une dame du monde, désignant de la tête le dernier parleur, dit à mi-voix, à son voisin, derrière l’éventail) : Il voit la paille qui est dans l’œil de son voisin, et ne voit pas la pioutre qui est dans le sien. — Trêve de plaisanterie ; vous savez, une chose confidentielle : le futur comte fonde un journal. — Non, je ne le savais pas. — Moi non plus. C’est curieux comme cela se sait peu pour une chose confidentielle. — Un journal de grande information. Mais, au fond, des affaires : lancements de projets, et… — La fuite au prochain numéro. — Ah ! on pourrait en dire sur le maître de la maison, si on était mauvaise langue. Et la maîtresse… du maître de la maison ? — C’est une nouvelle : elle ne le quitte pas, le suit partout. — Elle a envie de voir la Belgique. — On affirme qu’il fait la basse noce ? — Superficiellement seulement, malgré son désir ; c’est un ambitieux, mais un peu fatigué. Il a de la