Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/300

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Suis-je à ce point délaissé ?… Personne ne me fera l’aumône ?

Je suis parti, parmi les larges glaces battantes des portes. J’entre dans un théâtre où l’on joue une pièce dont l’apparition a été saluée, une huitaine auparavant, comme un important événement, et il me reste, de ce succès, quelque écho dans la mémoire. Le titre : Le Droit du Cœur, me tente, m’appelle.

Je prends une place, et me voici au milieu de la grande salle de spectacle, ballotté dans la chaude foule éclairée.

Le rideau se lève, envoyant un large souffle frais sur l’installation du public, et chacun est remué d’une sorte d’espérance, dans l’attente des êtres qui vont vivre là.

Je regarde cette scène, exactement comme j’ai regardé la chambre. J’écoute, j’enregistre mot à mot, j’épelle…

… Le jeune sculpteur Jean Darcy qui vient de Rome, avec ses rêves de marbre, est en soirée chez le banquier Lœwis. Une assistance brillante se presse dans les salons dorés. Des membres de l’Institut, avec des cravates de commandeur de la Légion d’honneur, y coudoient de richissimes mondains ; toutes les célébrités de l’art, des lettres, de la magistrature, de la politique et de la finance, s’y disputent la palme de la médisance et le sourire des jolies femmes.