Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/310

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tour, car certaines rues populeuses coulent tout entières dans le même sens, le soir. Jetée sous un porche de pierre, près d’une borne semblable à un récif, elle s’était arrêtée, cramponnée.

— Je me suis approché, dit-il, et j’ai vu qu’elle souriait.

« À quoi souriait-elle ? À la vie, à cause de son enfant. Sous l’asile assiégé de cette porte où elle s’était blottie, face à face avec le soleil couchant, elle pensait à l’épanouissement de l’enfant dans les jours futurs. Quelque épouvantables qu’ils dussent être, ils seraient autour de lui, pour lui, en lui. Ils seraient la même chose que sa respiration, ses pas et ses regards…

« Oui, tel était le sourire profond de cette créatrice qui portait son fardeau, et qui levait la tête et envisageait la lumière, sans même baisser les yeux sur l’obscur enfant et sans prêter l’oreille au langage de fou qu’il balbutiait.

« J’ai travaillé là-dessus… »

Il resta un moment immobile, puis il dit doucement sans s’arrêter, avec cette voix d’au-delà qu’on prend lorsque l’on récite, lorsqu’on obéit à ce qu’on dit, et qu’on n’en est plus maître :

— La femme que l’ombre ravage sourit au soir, vague reflux, du fond de ses haillons confus et déchirés comme un rivage… Muette sous les flots muets, épave de tous les martyres, elle s’étoile d’un sourire comme si tous la suppliaient. Près de