Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/313

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et les compte comme un ange dévastateur ; à vif dans la grande marée, la mère aux ongles effrayants, qui se redresse en souriant avec sa bouche déchirée ! »

Aimée regardait son amant dans les rayons lunaires. Il me semblait que les regards se confondaient avec les paroles… Il dit :

— Je finis sur la grandeur de la malédiction humaine, comme dans tout ce que je fais et que je vais répétant avec la monotonie de ceux qui ont raison… « Oh ! nous n’avons, sans Dieu, sans port, sans haillon qui puisse suffire, que la révolte du sourire, debout sur la terre des morts, que la révolte d’être en fête dans le soir, morne saignement… Nous sommes seuls divinement, le ciel est tombé sur nos têtes. »

Le ciel est tombé sur nos têtes ! Quelle parole venait d’être prononcée !

Cette parole, que le silence murmurait encore, c’était le plus haut cri que la vie eût jeté, c’était le cri de délivrance qu’à tâtons mon oreille cherchait jusqu’ici. J’avais bien pressenti qu’elle s’élaborait, à mesure que je voyais une espèce de gloire finir toujours par agrandir les pauvres ombres vivantes, à mesure que je voyais le monde revenir dans la pensée humaine… Mais j’avais besoin qu’elle fût dite pour unir enfin la misère et la grandeur, et être la clef de voûte des cieux.

Ce ciel, c’est-à-dire l’azur que notre œil enchâsse, et l’azur qu’au delà on ne voit plus qu’en pensée ; le ciel : la pureté, la plénitude — et l’infini des suppliants, le ciel de la vérité et de la religion, tout cela est en nous, est tombé sur nos têtes. Et Dieu