Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/318

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J’entends parler à travers les pierres du mur. La chambre voisine vibre d’un son lointain, un brouillard de son qui traverse à peine ce mur.

Je ne pourrai plus écouter ; je ne pourrai plus regarder dans la chambre. À partir de maintenant je ne pourrai plus rien voir distinctement, rien entendre vraiment ; et moi qui n’ai pas pleuré depuis mon enfance, je pleure, comme un enfant, à cause de tout ce que je n’aurai pas. Je pleure la beauté et la grandeur perdues ; j’aime tout ce que j’aurais embrassé.

Ils passeront là de nouveau, le long des jours, des années, tous les prisonniers des chambres, ils passeront avec leurs morceaux d’éternité. À l’heure où tout se décolore, ils s’assoiront près de la lumière, à la place pleine d’auréoles ; ils se pencheront et se traîneront vers le vide de la fenêtre. Ils s’attendront avec leurs bouches ; ils échangeront un premier ou un dernier regard inutiles. Ils ouvriront leurs bras, ils s’adonneront à leurs tâtonnantes caresses. Ils aimeront la vie et auront peur de disparaître. Ils chercheront ici-bas une union parfaite entre les cœurs, là-haut une durée parmi les mirages et un Dieu dans les nuages.



Le murmure monotone de voix tremble sans cesse à travers le mur. Je n’entends rien que du bruit : je suis comme tous ceux qui sont dans une chambre.